Installation in situ, dimensions variables 2012 Peinture aérosol gris
META (space) est la seconde déclinaison issue de la série de travaux en cours de réalisation META (2012-2013)* La transposition du "canal Alpha - damier de transparence" à même les cimaises qui constituent l’espace d’exposition, redéfinit le contexte même de l'espace de monstration ainsi que son infrastructure architecturale. Son contenu est régi par son contexte et son contexte est à son tour régi par son contenu. Selon les modalités de représentation de l'exposition contemporaine théorisée dans l'ouvrage fondateur Inside the WhiteCube : The ideology of the Gallery space de Brian O'Doherty, le blanc représente l’étanchéité du monde extérieur, le caractère protecteur et virginal de son contenu.
« Nous en sommes arrivés au point où ce que l’on voit d’abord, ce n’est pas l’art mais l’espace (éjaculer dans l’espace en pénétrant dans la galerie restera un cliché pour notre époque). Ce qui nous vient d’abord à l’esprit, c’est l’image d’un espace blanc idéal et qui, plus que n’importe quelle œuvre, restera peut-être l’image archétypale de l’art du XXème siècle. »1 Le Cube Blanc n’est pas simplement une réflexion concernant l’espace de la galerie moderne ou le dispositif muséal, c’est aussi et avant tout un concept?; il invite à attirer l’attention du spectateur sur l’espace d’exposition lui-même. META (space) s’affirme alors comme une réappropriation, une interprétation radicale de l’espace. Utilisant les codes architecturaux du White Cube, l’œuvre propose de soustraire l’espace physique au travers de son traitement graphique jusqu’à l’annihiler conceptuellement, lui redonnant ainsi toute son autorité minimaliste. Le protocole consiste en une exacerbation formelle de l’esthétique et des préceptes liés à l’art minimaliste sous la forme d’une proposition d’un espace saturé de toutes les charges symboliques et idéologiques qui s’y réfèrent ouvertement. En se jouant des codes relatifs au contexte de ce ressourcement esthétique, mais ne considérant pas totalement les définitions comme acquises pour autant, il s'agit ici d'extrapoler la réflexion tout en s'attaquant aussi bien au sujet pensant qu'au sujet sentant. Le « motif » en damier reproduit à même les composantes architecturales du lieu, engendre des effets flicker dynamiques qui génèrent un espace en mouvement bercé au rythme des virulentes vibrations chromatiques, dont le dessein n’est autre que de solliciter ce spectateur de toute sa verticalité dans l’expérience perceptive et somatique de l’espace concerné. META (space) repose sur le principe dominant selon lequel le spectateur peut agir sur l’état général de l’espace au travers de l'expérience physique et intellectuelle qu'il a de celui-ci. Il confère au spectateur un rôle actif, celui de réinventer sans cesse le contenu afin d’en révéler les significations latentes. L’oeuvre passe donc d’une occupation de l’espace réduite à ses dimensions réelles, à un investissement de l'espace infiniment plus grand et variable, laissée au libre arbitre de tout un chacun. "Si le mur ne peut être sommairement congédié, on peut le comprendre. Ce savoir transforme le mur blanc dans la mesure où son contenu est constitué de projections mentales sur des présupposés non-exposés. Le mur est le présupposé. Il est impératif pour chaque artiste de connaître ce contenu et en quoi il affecte son oeuvre. [...] Il [le mur] a sauvegardé la possibilité de l'art tout en le rendant difficile » 2 1 & 2 : Brian O'Doherty, « Inside the White Cube. The ideology of the Gallery space »,1976
* : La série META est une déclinaison d'oeuvres indépendantes les unes des autres, dont le champ de réflexion explore les conditions et les limites de l'image virtuelle au sein d'un contexte spatial spécifique et concret. Chaque dérivation interroge sa propre existence relative selon un mode opératoire basé sur une stratégie d'auto-réflexion, de détournement, de parasitage ou d'infiltration, orienté vers le champ de l'art et des principes organisationnels mêmes de l'exposition, de ses codes et de ses usages. Le dénominateur commun de cet ensemble de pièces résulte de la réappropriation du canal Alpha d'une image digitale quelle qu'elle soit, sorte de simulation de la couche de transparence symbolisée généralement par un damier générique gris et blanc dans les logiciels de création et de retouche d'images 2D et 3D actuelles. Ce motif, qui en réalité n'en est pas vraiment, un étant donné que les éléments qui le composent ne sont pas concrètement mesurables, quantifiables ni même imprimables, constitue l'absence de fond d'une image, un espace vacant à combler, le rien figuré à l'écran, en somme la représentation du vide en ce début de 21ème siècle au regard des nouvelles technologies mises à disposition du grand public. Mon intervention se situe dans une simple exploitation de la fonction esthétique et de la charge symbolique initiale de ce damier virtuel dont je réactive la portée et déplace les enjeux en le matérialisant dans un contexte physique et réel. Ce renversement de circonstance du bidimensionnel et du tridimensionnel, ce glissement de la représentation vers la présentation donc, est régit par la propre raison d'être de chaque oeuvre au profit du concept même qu'elles alimentent selon un principe sous-jacent de transitivité. Le déploiement de la figure du vide comme la condition sine qua non à l'existence de l'oeuvre elle-même sous une forme de réification des paradigmes de productions et de représentations : à l'ère des images succède l'ère de leurs présences. Ainsi, le potentiel de la démarche engagée par la série se situe dans la physicalité du flux numérique à éprouver selon le dispositif d'intervention mis en place. Il ne s'agit donc pas uniquement d'espace donné (contexte architectural préexistant) ou d'espace représenté (illusion iconique), mais plutôt de la capacité même à explorer et redéfinir les modalités du vide comme une expérience perceptuelle et maïeutique dans le « ici et maintenant » de l'espace expositif, grâce à l'implication physique et réflexive du spectateur. En s'inscrivant dans une approche conceptuelle et interstitielle du système de l'art, la série META est une manière de réactiver et de prolonger certains référents historiques (abstraction géométrique, art conceptuel, Op Art…) au regard des enjeux esthétiques, politiques et sociologiques issus de notre contemporanéité (Art numérique, nouveau média...). En outre, elle invite à attirer l'attention du spectateur sur le statut et l’existence de l’oeuvre ainsi que de ses modalités de réception en impliquant ce dernier au centre même du processus création, et ce en faveur de nouveaux sens critiques.
Méta : préfixe qui provient du grec (meta) (après, au-delà de, avec). Il exprime, tout à la fois, la réflexion, le changement, la succession, le fait d'aller au-delà, à côté de, entre ou avec. En informatique, un élément est une information sur la nature et le contenu d’une page web qui est invisible à la lecture. Méta est souvent utilisé dans le vocabulaire scientifique pour indiquer l'auto-référence (réflexion), ou pour désigner un niveau d'abstraction supérieur, un modèle...